
Le mois de mai est le mois du Syndrome d’Ehlers-Danlos (EDS awareness month). En tant que zèbre, je me devais de publier un article à ce propos.
Je ne rentrerai pas dans les définitions de base ou dans les descriptions, car des tas de sites expliquent parfaitement la pathologie. Non, ici je vais plus vous parler de faits moins connus et de l’impact de cette pathologie dans la vie de tous les jours.

La première fois que je suis tombée sur cette image, je l’ai trouvée … Beaucoup trop vraie en fait.
Je vais commencer par vous parler d’un élement vital du quotidien … Le sommeil.
Le sommeil
Ahhh, dormir … Pour une partie de la population, il s’agit d’un acte simple à l’effet réparateur. Et puis, il y a l’autre partie de la population … Certains ont des insomnies, d’autres, au contraire, ont des pathologies, handicapantes, liées au trop plein de sommeil. À ce propos, je vous conseille le site de Spoonie Ville.
Pour nous, le sommeil est une sorte d’utopie. On peut mettre des heures à s’endormir voire souffrir d’insomnies. On peut aussi peu/pas ou très mal dormir à cause de la douleur. Et puis, quand au final on s’endort, à notre réveil, on n’est pas totalement reposé. Jamais. Vous savez, cette sensation d’avoir bien dormi et de se réveiller en pleine forme? Moi, je ne sais pas. Je ne sais plus. Et puis parfois, on voudrait continuer à dormir, quitte à passer beaucoup trop de temps dans notre lit, car, quand on dort … On ne ressent pas la douleur. Il faut aussi penser que notre cerveau est en hypervigilance constante à cause de la douleur chronique, ce qui, bien sûr, a une influence sur la capacité d’endormissement.

En plus de l’endormissement, l’adrénaline a d’autres effets:

Après le sommeil, la problématique de la fatigue.
La fatigue

Nous sommes épuisés en permanence.
Il y a la fatigue causée par :
- un sommeil non réparateur.
- devoir dépenser beaucoup d’énergie pour des actions simples.
- avoir le cerveau en hypervigilance constante
- supporter une douleur chronique
- devoir se concentrer pour ne pas tomber/gérer son équilibre et sa proprioception
J’avais lu que quelqu’un avait dit que l’on ne connaissait la vraie fatigue que lorsque l’on doit se reposer après avoir pris une douche. Sur le coup, cela m’avait fait beaucoup rire tant c’est véridique. Heureusement, depuis mon déménagement, je dispose d’une baignoire 100% adaptée, qui me permet de m’épuiser et de me blesser beaucoup moins. Je l’adore.
En plus d’être pénible, la fatigue chronique a un côté handicapant que ce soit au niveau social, personnel ou professionnel. Et, plus que l’épuisement, nous avons un autre ennemi : le « brain fog » (je ne sais pas s’il existe une expression dédiée en français). Toujours est-il que ça porte son nom à merveille : on a l’impression, pendant ces phases, que notre cerveau est perdu dans un épais brouillard.

On perd/inverse des mots (j’ai déjà essayé de continuer la rédaction de mes romans pendant des périodes de brain fog … La relecture est « drôle ») , on oublie ce qu’on a fait ou ce qu’on devait faire. Est-ce que j’ai bu (insérer là une action du quotidien) ?
En plus de la frustration, cela peut conduire à des situations plus embêtantes voire dangereuses:
- brûlures
- coupures
- incapacité de mener à bien des tâches précises
- ne pas se souvenir d’avoir traversé la route / ne pas voir les piétons au volant d’une voiture
- ne plus se souvenir, ponctuellement, du fonctionnement de quelque chose de commun (voiture, clé, four etc)
Brain fog, inattention, oubli, sont tous les trois aggravés par la douleur.
La douleur


(Ce docteur a commencé par traiter des patients atteints de cancer et est devenu spécialiste des douleurs ne pouvant être soignées.)
Parmi les patients, j’ai souvent vu le message suivant: « si je me réveillais sans avoir mal, je penserais que je suis mort·e ». Je trouve que cela représente bien l’omniprésence de la douleur. Matin, midi, soir. 24h/24, 7j/7 , sans vacances ni jours fériés.
Vivre ainsi, accompagné·e d’une douleur seuil assez élevée est épuisant, irritant voire obsédant. Bien sûr, avec le temps, on s’en accomode et on apprend à composer avec. On utilise des techniques pour ne pas y penser et pour la laisser au second plan. Puis on prend des antalgiques, forts ou très forts car on n’a pas le choix. On avale ceux qu’on supporte et à une dose, parfois pas optimale, car cela risquerait d’affecter l’une des comorbidités associées au SED.
À titre personnel, après bien des années, je trouve que je me suis beaucoup améliorée dans la gestion de la douleur, même si, bien sûr, tout à des limites.
Parce que parfois, rien ne fonctionne. Parce que parfois, il faut juste attendre. Alors n’oubliez pas que si un·e patient·e avec un SED vient à l’hôpital à cause de douleurs insupportables, c’est qu’elles le sont. Vraiment. N’oubliez pas non plus, que trop réglementer des catégories d’antalgiques peut avoir des conséquences terribles. Aux USA, la « crise des opiacés » a conduit des patients au suicide. Ils ne sont pas morts à cause du manque, ils voulaient juste que ça s’arrête. Ils voulaient juste arrêter d’avoir aussi mal, eux qui n’avaient plus accès à leurs médicaments.
Il existe aussi différents types de douleurs, en fonction de la sensation qu’elle procure. Dans mon top des plus désagréables (pour rester polie):
- continuer à marcher sur une hanche subluxée/luxée
- le fameux glissement des côtes (oui, tousser, éternuer ou bouger dans notre lit peut nous causer du soucis)
- Et, les douleurs aux côtes:

Après les douleurs, je vais vous conter quelques autres faits propre au SED.
Anecdotes / faits divers
Parce qu’affecter le sommeil ça ne suffisait pas, tout le système digestif est concerné (avec le temps, j’ai même appris à distinguer mes crises de Crohn de celles causées par le SED ah ah), mais, à mes yeux, l’un des plus gros problèmes est la gastroparésie et les troubles liés à l’estomac. Avoir faim et ne pouvoir rien faire rentrer dans son estomac car il est trop douloureux et/ou car il a refusé de se vider est une sensation que je ne souhaite à personne. Appréhender de manger car on sait la douleur qui va arriver derrière est compliqué psychologiquement. Et comme souvent, nous avons aussi un certain nombre d’allergies … On mange ce que l’on peut quand on peut. Ce n’est peut-être pas toujours très équilibré, voir pas du tout, mais l’essentiel reste d’emmagasiner de l’énergie et de parvenir à maintenir un poids assez stable. (Et de penser à surveiller les éventuelles carences)
Lors d’hospitalisations ou de consultation, il y a des conditions particulières de prise en charge (matelas, manipulation, taille du catheter …), souvent inconnus du personnel. Par exemple, sur mon ordonnance de kiné, est indiqué « pas de manipulation, surtout pas au cou +++, risque vasculaire » . Nous sommes des patients fragiles, il faut donc prendre garde à ce que l’on ne vous fasse pas n’importe quoi.
Nous avons tout un tas d’orthèse/attelle/vêtemens compressifs/accessoires médicaux ou ergonomiques pour nous aider au quotidien.
Notre proprioception et notre équilibre sont plus que douteux. Vous voulez boire ? Pourquoi ne pas vous en renverser dessus et/ou vous cogner le verre dans les dents? Vous avez vu ce mur? Pourquoi ne pas vous en prendre le coin ?
Le SED possède tellement de symptômes divers et variés et de comorbidités associées, que je ne peux vous parler de tout. Dîtes vous simplement que ce n’est pas juste « être souple ». Et même s’il appartient aux handicaps invisibles (avec tous les désavantages vis à vis des autres), les patients ont des cannes ou des fauteuils roulants (et peuvent marcher) de façon ponctuelle ou non. Ils ont le droit de posséder leur carte de stationnement handicapé et de passer aux caisses prioritaires.
Un beau maquillage peut cacher un handicap. Tout comme une jolie tenue ou un sourire.
J’espère que cet article, en l’honneur du mois du SED vous aura intéressé. Et n’hésitez pas à poser des questions ou à partager.
Prenez soin de vous et à bientôt pour un nouvel article lié à l’écriture !
Salema