Des valises, le Shinkansen et la ville qui disparaît. L’agitation, l’émerveillement et les lumières de la capitale encore en tête, furent peu à peu remplacé par un certain calme et la beauté apaisante d’un lac miroitant. Quelques heures auparavant, nous étions dans un building. À présent, nous posions nos bagages dans un ryokan. Un ryokan où yukata, friandises de bienvenue et thé chaud nous attendaient.
Ryokan
Après avoir appris à nouer la ceinture du kimono dans le bon sens (et pas dans le sens réservé aux morts), nous découvrîmes la chambre puis son extérieur. Tiens, un bain chaud privatif, nous qui n’osions pas passer le pas des onsen. Et surtout … La vue. Une vue splendide et inoubliable. Le lac et le mont Fuji.
Mont Fuji
Assise dans mon kimono jaune et blanc un peu trop grand pour moi et les pieds dans l’eau, j’observais Fuji-sama. Je me demandais les histoires qu’il avait à raconter, les mystères qui se tapissaient dans les brumes. Quelles prières avait-il exaucé? Combien de yokai avait-il abrité? Silencieux et majestueux, Fuji-sama veillait. Plus mon regard se portait sur ses courbes, plus je sentais mon esprit vagabonder loin, très loin d’ici. Magie, illusions, récits d’un autre temps… rêves et créations. Je ne revenais à la réalité qu’à l’odeur de la délicieuse nourriture.
En promenade
Une fois encore, notre promenade pu se résumer par «entre modernité et tradition». D’une statue de Pikachu, à un musée de minéraux à l’entrée d’un temple perdu dans les bois. D’une tapis de fleur au bord de la route à un restaurant avec vu sur le lac à une glace à la lavande. Ici, rien n’avait de sens. Mon cerveau ne parvenait pas à trouver la moindre logique dans notre visite ni à cet endroit. Pourtant, tout était agréable et intéressant. Mais perturbant. Mon regard se porta à nouveau sur les fleurs mauve qui gisaient sur le goudron puis sur Fuji-sama qui nous observait. Il devait probablement beaucoup s’amuser de notre confusion. Les vivants étaient-ils sa principale source de distraction ou préférait-il converser avec les morts? Je secouai la tête. Il était temps de rentrer au ryokan et de préparer nos valises. Au revoir Fuji-sama. J’espère qu’un jour, nous nous reverrons.
La pluie. Une carte. Nous suivions les rues et cherchions la rivière. À gauche. À droite. Un temple, mais pas le bon. Mais où se trouvait cette maudite rivière? Épuisés par le voyage depuis Tokyo, nous avions hâte de déposer nos bagages et nous étions affamés. Commençant à nous sentir désespérés dans cette ville connue pour ses dédales, nous avons demandé de l’aide à un policier. Tout droit? La rivière était tout droit? Pourquoi était-elle invisible? Nous poursuivions notre route, jusqu’à ce qu’un homme à vélo s’arrêta devant nous. Nous pointâmes le ryokan sur notre carte. Il acquiesça, descendit de la bicyclette et nous invita à le suivre. Bien que surpris, nous l’accompagnâmes dans la petite ruelle qui déboucha sur un pont. Un pont timide … sur une rivière! Le cycliste nous indiqua l’autre rive et nous repérâmes immédiatement notre but. Après de nombreux remerciements, nous mangeâmes enfin puis déposâmes nos valises.
2013,Kyoto
La notion de rues parallèles et de logique n’existaient pas ici. Nous nous sommes encore perdus, nous sommes fait des frayeurs et avons dû revenir sur nos pas. Était-ce la construction étrange des voies ou le chevauchement d’ancien et de moderne qui perturbait notre esprit? Un temple funéraire puis une boutique de vêtement à la mode. N’étions-nous pas déjà passé par ici? Peut-être y avait-il quelques malicieux yokai jouant avec les touristes.
2013, Kyoto
Le Palais de l’Empereur. Ici, tout était un autre monde. Présenter à nouveau son passeport, comme si l’on pénétrait dans un nouveau pays, devoir patienter pour visiter et s’en tenir strictement au circuit imposé par le guide. Esthétisme. Élégance. L’attente valait le coup. Braver la pluie aussi. Par contre, restera à jamais des mystères non résolus: en quoi le ratissage du sable est-il si passionnant? Pourquoi passer plus de temps sur des pierres que sur une estampe?
2013, Kyoto, Imperial Palace
Marcher encore et encore. J’étais persuadée que plus nous avancions plus le temple Kiyozumi reculait, je ne voyais pas d’autre explication. S’arrêter à une boutique de souvenir. Tiens, n’était-ce pas un emblème de yakuza? Acheter un tanuki porte bonheur et repartir. Marcher encore et encore. Avoir envie de jeter ses chaussures et de ne plus bouger, mais continuer malgré tout. Et puis, enfin, le temple qui se dessinait. Majesté des bâtiments, beauté de la vue. La souffrance de la marche en valait la peine. Nous déambulâmes sur les sentiers et passâmes devant une forêt où chaque tronc d’arbre portait un sceau. Chacun d’eux. Étrangement, nous décidâmes de ne point nous attarder, sait-on jamais, et continuâmes à visiter jusqu’à tomber sur un autel bien singulier, en l’honneur d’enfants partis trop tôt. Ce qui expliquait donc les minuscules habits … Dans un regard mutuel, nous décidâmes de rentrer au ryokan.
2013,Kyoto, Kiyozumi Temple
Après un délicieux repas et une petite promenade nocturne, nous rentrâmes. La rue menant au ryokan n’était pas très longue. Alors d’où venait cette impression de ne pas avancer? À gauche, n’avions nous pas déjà vu cet autel adressé à un enfant décédé? Ou en était-ce un autre? Et à droite, les lampions semblaient se moquer de nous. Et droit devant … Pourquoi faisait-il si sombre? N’était-ce pas plus lumineux quelques secondes auparavant? Et cette affiche, j’aurais juré que nous étions déjà passé devant. Nous accélérâmes le pas. À droite, le pont nous narguait. Le ryokan était forcément proche, alors pourquoi mettions nous tant de temps à l’atteindre? Encore un autel. Le même. Forcément le même. Un bruit. Et puis soudain, la porte de l’établissement. Soulagés, nous rentrâmes nous coucher, persuadés que des yokai s’étaient bien distraits à nos dépends.
Ah, le Japon. Un rêve depuis mes treize ans, réalisé lors de notre voyage de noces. Lors de ce merveilleux et inoubliable voyage, nous avons découvert bien des endroits. Le premier à avoir droit à sa description romancée, sera donc Tokyo, la capitale, où nous avons eu la chance de passer plusieurs jours.
Après un vol interminable, une formulaire et l’arrivée à l’aéroport, nous avons fait nos premiers pas sur le sol japonais.
Pour notre premier repas en territoire nippon, affamés, nous nous sommes tournés vers un minuscule restaurant traditionnel où personne ne parlait anglais.
L’estomac bien rempli, nous avons découvert le métro de Tokyo, le plus grand du monde mais, à mon sens, le plus clair. Que vous parliez ou non la langue, il est fait de façon à ce que personne ne puisse s’y perdre et que même des enfants, sans lire, puisse comprendre comment aller d’un point A à un point B. Et puis, ce calme et cette sensation que tout est ordonné. À cet instant, nous nous sommes demandés ce qu’un tokyoïte penserait du métro parisien ou marseillais.
Notre premier arrêt fut à la célèbre tour de Tokyo, d’où nous avons pu admirer la ville à perte de vue. Nous y avons aussi découvert un certain nombre de bizarrerie, dont un soda au melon vert fluo et des snacks Hello Kitty au poulpe. Et si les hauteurs vous effraient … Tenterez-vous tout de même de marcher sur le sol vitré?
Non loin de là, nous avions repéré de grands escaliers, parsemés de quelques torii. Nous décidâmes d’aller faire un tour dans ce qui semblait annoncer un temple, bien que celui-ci ne fasse pas partie de notre itinéraire. À peine la dernière marche franchie, je me suis sentie mal à l’aise. Ce temple semblait abandonné depuis bien longtemps. La source était tarie. Çà et là, des charmes protecteurs essayaient sans doute de repousser les yōkai potentiels. Plus nous nous avançions, plus j’avais l’impression d’être observée, comme si quelque chose patientait que des visiteurs soient assez stupides pour s’attarder en ces lieux oubliés de tous. Je sortis l’appareil photo mais, après quelques clichés, ma sensation de malaise s’accentua. Nous n’étions clairement pas les bienvenus ici et nous nous décidâmes de partir sur le champ. Juste au cas où.
Temple Sensoji, photo personnelle
Akihabara, le quartier de l’électronique. Des lumières, des néons, des tours … Mais toujours de l’ordre. De l’ordre et de la propreté. Nous avons promené aléatoirement entre boutiques de curiosités, librairies géantes; avant de déguster des douceurs locales.
Nous nous sommes ensuite rendus au temple Sensoji, à la beauté impressionante. Entre jardins et pagodes, l’émerveillement était au rendez-vous. Des heures durant, j’aurais pu admirer les carpes multicolores, les peintures et les sculptures. L’apaisement et l’esthétique de ce lieu avait quelque chose de féérique.
La journée s’était achevée par la visite du parc d’où l’on pouvait apercevoir le palais de l’empereur.
Hachiko, photo personnelle
Ce jour là, nous nous étions directement dirigés vers le zoo Ueno , rencontrant, à la sortie du métro, une procession de moines shintoïstes. Une fois à l’intérieur du parc, la beauté des lieux et des différents décors nous avait enchanté. La présence de nombreux distributeurs (tout comme dans les rues de la ville), nous avait aussi étonné. Toutefois, notre plus grosse surprise, fut la rencontre avec une sortie scolaire de jeunes enfants, probablement entre 4 et 5 ans. Outre leurs bentôs absolument adorables, ils étaient étonnement sage. Quelle était cette sorcellerie?
S’en suivi un tour à Shibuya , quartier de la jeunesse et du divertissement. C’est les yeux emplis d’étoiles, que nous avons erré dans les rues, découvrant pachinko et minuscules boutiques. c’est également ici, après un périple dans la tour Shibuya 109 (réservée aux femmes et aux hommes accompagnés), que j’ai réalisé que ce bâtiment et bien d’autres étaient complètement dépourvus de fenêtres. Par quelle magie avais-je pu omettre un détail pareil ?
Hachiko … Qui ne connaît pas la célèbre et triste histoire de ce chien qui attendait chaque jour son maître à cet endroit précis mais qui, un jour, fut emporté par la mort et ne put jamais rejoindre son compagnon à quatre pattes? Pourtant ce dernier, fidèle et aimant, patienta jusqu’à la fin de ces jours, espérant revoir son maître une dernière fois.
Photo personelle
Nous avons achevé ce périple par le centre Pokemon, pour lequel nous avons dû demander notre chemin à une gentille hôtesse d’accueil dans un centre commercial. J’avoue avoir eu un peu honte de poser une telle question, tant elle semblait incongrue.
Nous nous sommes ensuite envolés (enfin , »envolés » … à bord du Shinkansen) vers Kawaguchiko et d’autres horizons …
Je pense que vous l’aurez compris, j’adore la littérature japonaise et son style si caractéristique. C’est aussi une culture qui m’a toujours fascinée et un pays où j’ai eu la chance d’aller une fois, lors de notre voyage de noces. Là-bas, nous avions d’ailleurs eu l’honneur de discuter avec une maiko, dont nous avons précieusement conservé la grue en origami et le petit mot qu’elle nous avait écrit.
Après avoir beaucoup aimé Nous nous sommes manquéesde Rui Chan, cette seconde oeuvre m’a forcément fait de l’oeil. Tellement que je n’ai pas hésité plus d’une seconde avant de la commander.
Il s’agit d’un petit recueil de textes et de haïkus où de très jolies illustrations(par Julia Deremy, Vé-èf, Chloé ) viennent sublimer l’ensemble. La majorité a été écrite par Rui Chan, mais trois autres auteur·ices ont participé: Ryô , Marco Polo et Lilou.
L’illustration que j’ai préféré
On est directement plongé dans le monde des geishas, cet univers entouré de tant de mystères et (malheureusement) de beaucoup de clichés. Ici, on vous offre des petites tranches de vie tout en honnêteté et en poésie, minuscules bouts de quotidien que l’on adore découvrir.
J’ai beaucoup apprécié cet ouvrage, mais deux textes m’ont particulièrement plu: Le chignon et La corde. D’eux se dégage quelque chose de fort et retranscrivent magnifiquement bien l’ambiance des scènes qui s’y déroulent.
Si le thème des « histoires de geishas » vous intrigue, n’hésitez pas à vous plonger dans cette lecture et/ou à découvrir les ouvres de Rui Chan.
Chaque fin de mois, je vous présenterai rapidement mes lectures effectuées au cours de ce dernier. J’ai désormais un accès facilité à une médiathèque, ce qui va me permettre de lire beaucoup plus sans me ruiner.
En mars, j’ai donc lu quatre romans et un manga.
1-Tsubame par Aki Shimazaki. Une roman très court, empli de poésie bien qu’il prenne place à l’époque du tremblement de terre de 1923, au Japon. Le récit est fluide et facile à lire.
Mon coup de coeur:
2-Le jardin arc-en-ciel par Ogawa Ito. Un roman très doux et émouvant, retraçant une belle et sincère histoire d’amour, entre deux femmes que tout semblait opposer. Au fil de la lecture, l’auteur nous donne envie de prendre une chambre dans cette auberge arc-en-ciel.
3-M Train par Patti Smith. Recommandé par la médiathèque, j’ai décidé de tenter. Je n’ai malheureusement accroché ni au style d’écriture, ni à l’histoire en elle-même. Je trouvais pourtant agréable la présence de clichés en noir et blanc aidant à se plonger dans le récit. Ce fut ma première déception de l’année en terme de lecture.
4- En même temps, toute la terre et tout le ciel par Ruth Ozeki. Il était écrit que si l’on aimait Haruki Murakami (qui, je le rappelle, est mon auteur favori), on apprécierait ce livre. Oui et non. Alors en effet, j’ai totalement accroché au style d’écriture et au fond de l’histoire. Toutefois, j’ai trouvé le récit bien trop long et la lecture a commencé à me lasser. Je garde donc un avis mitigé sur cette autrice et j’aimerais lire une autre de ses oeuvres avant de me forger un avis tranché.
5- The Ancient Magus Bride tome 10 par Koré Yamazaki . J’ai d’abord découvert cette histoire via sa version animé (qui couvre les neuf premiers tomes). J’ai tellement aimé et accroché aux dessins, que j’ai fini par acheter la série, qui est toujours en cours de publication au Japon.