EDS Awareness Month 2020

Je comptais en faire un thread sur Twitter, mais j’ai finalement décidé que ce serait plus simple ici. L’an passé, j’avais écrit cet article en l’honneur de ce mois de mai, mois du syndrome d’Ehlers-Danlos (SED).

Avant de commencer, j’aimerais vous conseiller un livre, qui pour moi a été la meilleure des ressources. Je l’avais acheté après mon diagnostic et je l’ai trouvé vraiment très très intéressant, aussi bien pour moi que pour mes proches. Ma maman a dit « on dirait le livre de ta vie ». Vous pouvez l’acquérir ici et il est bien plus correctement documenté que beaucoup de ressources françaises.

Le SED, c’est d’abord l’errance médicale (promis, je vais réussir à terminer l’écriture de cet article). C’est parfois long, très long. Mais, quoi qu’il arrive, prenez soin de vous. Beaucoup de traitements et matériels, comme l’oxygène et les orthèses par exemple, peuvent présenter un danger si vous les utilisez sans avis médical / pour rien, et risquent d’empirer votre état. Attention donc, même si certaines choses sont tentantes au vu des délais dans les hôpitaux et auprès de certains spécialistes.

Le SED, c’est un éventail important de symptômes (ce qui en soit est logique, puisque c’est une pathologie liée au collagène), dont, probablement les plus connus: hyperlaxité et subluxations/luxations. À ce propos, j’ai longtemps cru que c’était fun mais normal. Fun fact: jeune, l’on m’avait diagnostiqué « une rotule qui bouge, mais c’est pas grave ça ».

Le nombre de subluxations et luxations par jour et par semaine dépend de chaque patient et de chaque articulation, articulations qui finissent parfois par s’abîmer. Par exemple, ma cheville la plus hypermobile a récemment hérité d’une capsulite. La douleur et la gêne sont aléatoires. À mes yeux, les glissements de côtes et les hanches sont le plus douloureux.
Pour ma part, au réveil, j’ai mon rituel de « remettons chaque chose à sa place » avant de me lever. Avec les années j’ai appris à gérer. Parfois, je porte des atteles. Parfois non. Cela fait partie du plan appeler « se maintenir ».

Chacun fait ce qu’il veut et vit sa maladie différemment, c’est un fait. Toutefois, cela me rend perplexe, presque … triste, de voir des patients bien plus jeunes que moi abandonner toute idée de se maintenir. Je suis consciente que le SED peut mettre fin à de nombreux projets d’avenir que ce soit professionnel ou personnel. J’ai moi-même dû arrêter de travailler il y a quelques années, à mon grand regret. Toutefois, je trouve ça dommage de tout abandonner. De ne plus du tout marcher parce que c’est douloureux. De renoncer à la moindre activité car c’est épuisant. De ne plus fournir aucun effort dans aucun domaine.
Évidemment, il y a des jours avec et des jours sans. Des semaines de crises. Des matins où marcher est un supplice. Mais il y a aussi tous les autres jours, ceux où c’est « moins pire » comme on dit. Ceux où le seuil de douleur est plus ou moins habituel.
Je sais que le mot « effort » est parfois mal aimé. Pourtant, sans lui, ma vie de patiente ne sera pas la même. Minuscule ou grand, facile ou très difficile, chaque effort a son importance. Aller au kiné, se forcer à marcher un peu, cuisiner, lire … Tout vaut la peine et a son importance. Et si un médecin ose vous dire que vous n’êtes pas vraiment malade car vous faîtes des efforts … C’est un bien mauvais médecin.

Présentée ainsi, une vie de malade chronique compliquée, ne semble pas très attrayante. Evidemment, le futur que je m’imaginais lorsque j’avais vingt ans n’est pas du tout le même aujourd’hui. Il y a des choses que je ne peux plus faire. Des rêves devenus irréalisables. C’est vrai. Mais finalement, tant pis. Pour un rêve de perdu, un ou deux autres apparaissent. Pour une activité du passé, une nouvelle prendra sa place, car la vie n’aime pas le vide. Récemment une amie me disait que j’étais « trop optimiste pour ce monde ». Elle a sans doute raison.

Avoir une pathologie telle que le SED, qui n’est donc pas sur les listes officielles, rend souvent les formalités compliquées. Contrairement à d’autres maladies, nous devont toujours littéralement prouver, parfois plus que les autres, notre état, auprès de la sécurité sociale et la MDPH par exemple. Alors, avec le temps, cela rend probablement un peu aigri. Aigri et jaloux de voir des patients avec des maladies « classiques » accéder facilement aux aides et aux soins. Aigri et jaloux de voir que certains d’entre eux sont bien plus soutenus et aidés alors qu’ils sont moins limités dans leur vie de tous les jours.

Je voulais aussi aborder la représentation sur les réseaux sociaux, notamment Twitter. Je vois passer beaucoup de patients qui postent des selfies d’eux en crise, à l’hôpital, du nom de leurs traitements … Je comprends que cela peut aider certaines personnes car elles se sentent moins seules. Mais pour moi, cela appartient vraiment à la sphère privée. Je suis peut-être trop vieille pour aimer poster toute ma vie sur les réseaux XD. Tout ça pour vous dire que, sur mes comptes, que ce soit Twitter ou Instagram, je ne posterai jamais ce genre de contenu. Ni je me plaindrais beaucoup. Honnêtement, je pourrais, mais ce n’est pas dans mon caractère et, surtout, je ne verrai pas l’intérêt de partager ce genre d’information sur mes comptes. Ce n’est pas en me plaignant davantage que j’irai mieux de toutes les façons. Encore une fois, je ne critique personne. Absolument pas. Et je me plains parfois à mes amies ou à mon mari, évidemment! Je tenais simplement à vous expliquer pourquoi mes comptes sont ainsi.

Que vous dire d’autre?
– Les gens n’ont pas le droit de vous demander pourquoi vous marchez avec une canne. N’hésitez pas à ne pas être aimable.
– Utiliser sa carte de priorité peut être effrayant et demande tout un entraînement.
– Accepter d’être malade prend du temps. Faire le deuil de nos capacités passées aussi.
– Ne plus pouvoir travailler est très difficile psychologiquement. N’hésitez pas à en parler et surtout à vous occuper.
– Même si accepter prend du temps, avoir besoin de certaines aides n’est pas une honte. Sachez que je suis amoureuse de ma baignoire accessible.
– Prenez soin de vous .

Avez-vous des questions?

Prenez soin de vous et à bientôt.

Salema

Mai, le mois du SED

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Le mois de mai est le mois du Syndrome d’Ehlers-Danlos (EDS awareness month). En tant que zèbre, je me devais de publier un article à ce propos.

Je ne rentrerai pas dans les définitions de base ou dans les descriptions, car des tas de sites expliquent parfaitement la pathologie. Non, ici je vais plus vous parler de faits moins connus et de l’impact de cette pathologie dans la vie de tous les jours.

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« Avoir le SED, c’est vivre en permanence le lendemain d’un accident de voiture. »

La première fois que je suis tombée sur cette image, je l’ai trouvée … Beaucoup trop vraie en fait.

Je vais commencer par vous parler d’un élement vital du quotidien … Le sommeil.

Le sommeil

Ahhh, dormir … Pour une partie de la population, il s’agit d’un acte simple à l’effet réparateur. Et puis, il y a l’autre partie de la population … Certains ont des insomnies, d’autres, au contraire, ont des pathologies, handicapantes, liées au trop plein de sommeil. À ce propos, je vous conseille le site de Spoonie Ville.

Pour nous, le sommeil est une sorte d’utopie. On peut mettre des heures à s’endormir voire souffrir d’insomnies. On peut aussi peu/pas ou très mal dormir à cause de la douleur. Et puis, quand au final on s’endort, à notre réveil, on n’est pas totalement reposé. Jamais. Vous savez, cette sensation d’avoir bien dormi et de se réveiller en pleine forme? Moi, je ne sais pas. Je ne sais plus. Et puis parfois, on voudrait continuer à dormir, quitte à passer beaucoup trop de temps dans notre lit, car, quand on dort … On ne ressent pas la douleur. Il faut aussi penser que notre cerveau est en hypervigilance constante à cause de la douleur chronique, ce qui, bien sûr, a une influence sur la capacité d’endormissement.

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A pour adrénaline. À cause des fluctuations de l’adrénaline, les patients peuvent avoir des difficultés pour s’endormir ou ressentir de l’anxiété.

En plus de l’endormissement, l’adrénaline a d’autres effets:

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Les chercheurs ont trouvé que l’anxiété et les crises de panique sont courants chez les SEDh. Le corps sur réagit aux sources de stress et crée trop d’adrénaline. Les fluctuations d’adrénaline sont parfois confondues avec les variations d’humeur d’un trouble bipolaire. L’anxiété peut être causée par un stress émotionnel, aussi bien que par la douleur ou la fatigue. Il s’agit d’une réaction physique et les thérapies ne sont pas toujours efficaces.

Après le sommeil, la problématique de la fatigue.

La fatigue

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Nous souffrons de fatigue chronique qui est aggravée par une intolérance orthostatique (POTS).
Nous sommes épuisés en permanence.

Il y a la fatigue causée par :

  • un sommeil non réparateur.
  • devoir dépenser beaucoup d’énergie pour des actions simples.
  • avoir le cerveau en hypervigilance constante
  • supporter une douleur chronique
  • devoir se concentrer pour ne pas tomber/gérer son équilibre et sa proprioception

J’avais lu que quelqu’un avait dit que l’on ne connaissait la vraie fatigue que lorsque l’on doit se reposer après avoir pris une douche. Sur le coup, cela m’avait fait beaucoup rire tant c’est véridique. Heureusement, depuis mon déménagement, je dispose d’une baignoire 100% adaptée, qui me permet de m’épuiser et de me blesser beaucoup moins. Je l’adore.

En plus d’être pénible, la fatigue chronique a un côté handicapant que ce soit au niveau social, personnel ou professionnel. Et, plus que l’épuisement, nous avons un autre ennemi : le « brain fog » (je ne sais pas s’il existe une expression dédiée en français). Toujours est-il que ça porte son nom à merveille : on a l’impression, pendant ces phases, que notre cerveau est perdu dans un épais brouillard.

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On est atteint de « brain fog » (littéralement cerveau embrumé). C’est en partie causé par le pauvre apport en sang oxygéné dans le cerveau. Cela entraîne des pertes d’attention, des pertes de mémoire, l’impossibilité d’articuler, de la fatigue, de la confusion. Ce n’est pas permanant. On déteste ça.

On perd/inverse des mots (j’ai déjà essayé de continuer la rédaction de mes romans pendant des périodes de brain fog … La relecture est « drôle ») , on oublie ce qu’on a fait ou ce qu’on devait faire. Est-ce que j’ai bu (insérer là une action du quotidien) ?

En plus de la frustration, cela peut conduire à des situations plus embêtantes voire dangereuses:

  • brûlures
  • coupures
  • incapacité de mener à bien des tâches précises
  • ne pas se souvenir d’avoir traversé la route / ne pas voir les piétons au volant d’une voiture
  • ne plus se souvenir, ponctuellement, du fonctionnement de quelque chose de commun (voiture, clé, four etc)

Brain fog, inattention, oubli, sont tous les trois aggravés par la douleur.

La douleur

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Le SED est douloureux en permanence. Vos articulations vous font mal à cause de leur instabilité, instabilité qui créée des micro lésions, des subluxations et une démyélinisation moyenne. Ainsi, vos muscles doivent forcer deux fois plus dur pour compenser. La plupart d’entre nous vivons quotidiennement avec une douleur entre 5 et 10 sur l’échelle de la douleur.
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« Je place le SED dans le top 3 ou 4 des problèmes de douleurs les plus sévères. Par exemple, beaucoup de personnes pensent que les douleurs dues aux cancers sont les pires. Pourtant, laissez moi vous dire que beaucoup de patients atteints du SED subissent une douleur qu’aucun patient avec un cancer ne peut imaginer. Ces problèmes de douleurs si sévères sont déroutants et beaucoup de docteurs ont peur de cette maladie et de cette douleur que subit leurs patients.« 
(Ce docteur a commencé par traiter des patients atteints de cancer et est devenu spécialiste des douleurs ne pouvant être soignées.)

Parmi les patients, j’ai souvent vu le message suivant: « si je me réveillais sans avoir mal, je penserais que je suis mort·e ». Je trouve que cela représente bien l’omniprésence de la douleur. Matin, midi, soir. 24h/24, 7j/7 , sans vacances ni jours fériés.

Vivre ainsi, accompagné·e d’une douleur seuil assez élevée est épuisant, irritant voire obsédant. Bien sûr, avec le temps, on s’en accomode et on apprend à composer avec. On utilise des techniques pour ne pas y penser et pour la laisser au second plan. Puis on prend des antalgiques, forts ou très forts car on n’a pas le choix. On avale ceux qu’on supporte et à une dose, parfois pas optimale, car cela risquerait d’affecter l’une des comorbidités associées au SED.

À titre personnel, après bien des années, je trouve que je me suis beaucoup améliorée dans la gestion de la douleur, même si, bien sûr, tout à des limites.

Parce que parfois, rien ne fonctionne. Parce que parfois, il faut juste attendre. Alors n’oubliez pas que si un·e patient·e avec un SED vient à l’hôpital à cause de douleurs insupportables, c’est qu’elles le sont. Vraiment. N’oubliez pas non plus, que trop réglementer des catégories d’antalgiques peut avoir des conséquences terribles. Aux USA, la « crise des opiacés » a conduit des patients au suicide. Ils ne sont pas morts à cause du manque, ils voulaient juste que ça s’arrête. Ils voulaient juste arrêter d’avoir aussi mal, eux qui n’avaient plus accès à leurs médicaments.

Il existe aussi différents types de douleurs, en fonction de la sensation qu’elle procure. Dans mon top des plus désagréables (pour rester polie):

  • continuer à marcher sur une hanche subluxée/luxée
  • le fameux glissement des côtes (oui, tousser, éternuer ou bouger dans notre lit peut nous causer du soucis)
  • Et, les douleurs aux côtes:
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Nous sommes sujets à des « fausses crises cardiaques », appelées costochondrites. C’est une inflammation du cartilage des côtes. Vous avez l’impression qu’un éléphant vous écrase la cage thoracique. La 1ere fois c’est très effrayant, puis, plus tellement par la suite.

Après les douleurs, je vais vous conter quelques autres faits propre au SED.

Anecdotes / faits divers

Parce qu’affecter le sommeil ça ne suffisait pas, tout le système digestif est concerné (avec le temps, j’ai même appris à distinguer mes crises de Crohn de celles causées par le SED ah ah), mais, à mes yeux, l’un des plus gros problèmes est la gastroparésie et les troubles liés à l’estomac. Avoir faim et ne pouvoir rien faire rentrer dans son estomac car il est trop douloureux et/ou car il a refusé de se vider est une sensation que je ne souhaite à personne. Appréhender de manger car on sait la douleur qui va arriver derrière est compliqué psychologiquement. Et comme souvent, nous avons aussi un certain nombre d’allergies … On mange ce que l’on peut quand on peut. Ce n’est peut-être pas toujours très équilibré, voir pas du tout, mais l’essentiel reste d’emmagasiner de l’énergie et de parvenir à maintenir un poids assez stable. (Et de penser à surveiller les éventuelles carences)

Lors d’hospitalisations ou de consultation, il y a des conditions particulières de prise en charge (matelas, manipulation, taille du catheter …), souvent inconnus du personnel. Par exemple, sur mon ordonnance de kiné, est indiqué « pas de manipulation, surtout pas au cou +++, risque vasculaire » . Nous sommes des patients fragiles, il faut donc prendre garde à ce que l’on ne vous fasse pas n’importe quoi.

Nous avons tout un tas d’orthèse/attelle/vêtemens compressifs/accessoires médicaux ou ergonomiques pour nous aider au quotidien.

Notre proprioception et notre équilibre sont plus que douteux. Vous voulez boire ? Pourquoi ne pas vous en renverser dessus et/ou vous cogner le verre dans les dents? Vous avez vu ce mur? Pourquoi ne pas vous en prendre le coin ?

Le SED possède tellement de symptômes divers et variés et de comorbidités associées, que je ne peux vous parler de tout. Dîtes vous simplement que ce n’est pas juste « être souple ». Et même s’il appartient aux handicaps invisibles (avec tous les désavantages vis à vis des autres), les patients ont des cannes ou des fauteuils roulants (et peuvent marcher) de façon ponctuelle ou non. Ils ont le droit de posséder leur carte de stationnement handicapé et de passer aux caisses prioritaires.

Un beau maquillage peut cacher un handicap. Tout comme une jolie tenue ou un sourire.

J’espère que cet article, en l’honneur du mois du SED vous aura intéressé. Et n’hésitez pas à poser des questions ou à partager.

Prenez soin de vous et à bientôt pour un nouvel article lié à l’écriture !

Salema