«Gratuit». Un mot qui plaît, particulièrement en cette période compliquée pour tout le monde; mais aussi un mot qui divise lorsque cela touche au domaine de la culture et de l’art.

«Gratuit». Un concept, j’ai l’impression qui tend à se perdre dans les générations après moi. Combien de créateurs j’ai vu sur les réseaux affirmer faire payer leur ouvrage dédicacé à leurs parents ou une illustration à une amie proche. Un peu comme si donner son art en faisait diminuer sa valeur, un peu comme si le moindre service se vendait désormais. Jamais il ne me serait venu à l’idée de me faire payer mes romans papiers commandés par ma maman et mes deux meilleures amies, ni les heures passées à faire des relectures de mémoires de mes amies. Jamais il ne me viendrait non plus à l’idée de demander de l’argent pour les projets coutures commandés par mon mari, mes amies ou ma maman. Mais, c’est pareil dans l’autre sens. Une amie qui tricote, jamais elle ne me fera payer la laine, le patron ou quoique ce soit d’autre. Mon amie qui fait mes couvertures de romans ou la beta lecture… Pensiez-vous vraiment qu’elle était payée? Tout est une question d’échange. D’échange et de temps. Parce que c’est de notre temps que l’on offre lorsque que quelque chose est gratuit. Et aujourd’hui, tout le monde veut aller trop vite.
Moi la première, j’apprécie la possibilité d’être livrée rapidement. Mais à part ça, je ne comprends pas pourquoi les plus jeunes veulent aller si vite. Vite partir de chez eux (à moins de maltraitance évidemment), vite grandir, vite tout découvrir… Dans beaucoup de jeux « gratuits » sur mobile, il y a même une option payante pour accélérer le temps pour que tout s’accélère. Mais … Pourquoi être si pressé? Et dans un jeu qui plus est? Même avant d’être si malade, je n’ai jamais aimé courir. Mes pensées vont à toute allure parfois, c’est vrai. Mon corps aussi autrefois s’agitait. Mais malgré l’hyperactivité, je n’étais pas si pressée. Et aujourd’hui je ne le suis plus du tout. Bien sûr, quand je travaillais, comme tout le monde, je me dépêchais toute la journée. Mais une fois chez soi, à quoi bon? La Terre n’arrêtera pas de tourner si le ménage n’est pas fait. Et surtout, depuis longtemps, j’aime juste parfois regarder le temps qui passe. M’asseoir sur une marche dehors ou accoudée à la fenêtre et ne penser à rien. Juste observer le ciel et les feuilles. Le vent. Le temps qui s’enfuit sans que je ne puisse le quantifier. Je ne suis pas pressée car, quoi que je fasse, les heures continueront leur route. Alors autant les prendre à mon rythme.
«Gratuit». Probablement l’un de mes mots préférés. Parce que lorsque vous donnez gratuitement, vous recevez aussi gratuitement vous savez? Donner et recevoir. Mais aussi, au-delà du cercle privé, la notion de gratuité permet une plus grande accessibilité à la culture et à l’art. Les expos/musées à accès libre, les bibliothèques et médiathèques, les formations gratuites, la musique (oui Youtube est gratuit. Récupérer sur son ordi et s’en faire une playlist aussi. Inutile de se payer des abonnements hors de prix) … Tant de ressources merveilleuses et précieuses. C’est en partie pour ça que la version numérique de mes écrits est entièrement gratuite. Je veux que tout le monde y ait accès. La seconde raison est que je savais que ça finirait sur un site de téléchargement s’il était payant (comme une bonne partie des romans autoédités et édités) donc autant qu’il soit gratuit dès le départ.
Et puis, de nos jours, les gens ont de moins en moins les moyens d’investir dans des loisirs ou dans de la décoration. C’est triste, moi la première je n’achète plus autant de livres papier par exemple. D’autres ne pourront plus se permettre des illustrations, livres ou goodies fait main. Le fait est que, ne serait-ce que pour mes finances, je me retourne vers le gratuit, l’échange et ce que je fais moi-même. Parce que même si j’admire certaines créatrices, certains auteurs et autrices qui en font leur métier, à mes yeux, ce n’est pas une voie, actuellement, qui peut être généralisée. Enfin, une voie où trop de monde peut s’engouffrer au niveau professionnel et en faire son unique gagne-pain. Le prix du papier augmente, les tarifs des graphistes, illustrateurs aussi. Mais, en face, de moins en moins de personnes peuvent sortir des sommes à trois chiffres. Et même à deux chiffres. Et pendant ce temps les IA d’illustrations montent en succès et sont libres d’accès. On peut récupérer n’importe quel livre gratuitement si l’on sait où chercher. Pareil pour la musique. Ou mêmes les logiciels. Vous êtes choqués? Même certaines entreprises le font pour effectuer des économies. Personne ne veut payer.
«Gratuit». Je sais que ce mot est haï par bien des créateurs sur les réseaux car cela va à l’encontre du business qu’ils tentent de créer.
«Gratuit». Une notion qui rend accessible tant de contenus pour ceux qui n’ont pas les moyens. Mais pour les autres aussi. La gratuité est une forme d’équité finalement.
«Gratuit». Un mot pour deux camps. Je comprends les deux points de vue. Je conçois que l’on veuille vivre de sa passion, tout comme je connais le besoin d’accéder à des loisirs/culture gratuitement. Pour moi, aucun des deux mondes n’est à blâmer car d’un côté dort l’équité avec se gratuité mais de l’autre tente de s’étendre la liberté de vivre de son art et aux prix qu’on le souhaite pour en vivre. Aucun n’est à blâmer, mais ils se battent et, parfois, je me demande qui gagnera ou si l’équilibre, comme aujourd’hui, persistera.
Prenez soin de vous et à bientôt.
Salema